Il était une fois…
La féminité exacerbée des années 1950
La guerre est finie, les Trente Glorieuses s’amorcent. Les femmes reviennent au foyer et peuvent adopter une mode plus féminine, moins » confortable ». Elles rêvent d’élégance et de féminité, de jupons, de corsets, de hanches étranglées, de décolletés appétissants, de lingerie raffinée. C’est Dior qui signera la révolution avec son « New Look » qui dessine une silhouette féminissime. Elle révolutionnera la mode des années 1950… et des décennies à venir.
PARIS, CAPITALE DE LA MODE
Durant la guerre, les maison de couture parisiennes, en pénurie de textile, cessent durant six ans toutes leurs activités. Il est désormais temps de retourner aux ateliers pour réinventer une mode joyeuse et libérée. C’est l’âge d’or de la Haute couture qui rend à Paris son statut de capitale mondiale de la mode. La planète entière a le regard tourné vers Christian Dior, Hubert de Givenchy, Cristóbal Balenciaga, Pierre Balmain, à la pointe de la mode des années 1950. Ils habillent les icônes de Hollywood ; Grace Kelly, Audrey Hepburn, Marylin Monroe, Lauren Bacall…
1. Pierre Balmain et l’actrice Ruth Ford en 1947 / 2. Grace Kelly en 1954
« Les années 1950 marquent le retour de la « femme au foyer ». Après la guerre, elle rêve désormais d’élégance et de féminité. »
CRÉATEURS ICONIQUES DES ANNÉES 1950
HISTOIRE DE COCO CHANEL
Pionnière du sulfureux style garçonne, elle a intronisé la marinière, le tailleur en tweed et l’indémodable petite robe noire. Qui est elle-elle ? Et comment est-elle devenue un mythe ?
LE RETOUR DE LA FEMME AU FOYER
1. 1942 : femme travaillant sur un moteur de bombardier dans le cadre du “Victory Program” américain / 2. Ci-dessous : La femme au foyer typique des Fifties dans une publicité des années 1950. Tetra Pak CC 2.0
Après des années d’émancipation des femmes, qui remplacent les hommes envoyés au front dans les usines notamment, les années 1950 marquent le retour de la “femme au foyer”. Épouse modèle, la “maîtresse de maison” profite des innovations électro-ménagères et gagne du temps pour sa coquetterie. Elle se doit d’être toujours élégamment habillée à la maison et maquillée, cédant aux injonctions d’une publicité en pleine expansion qui vante les nouvelles tentations d’une industrie de la mode et de la cosmétique florissantes. Revlon, Elizabeth Arden et Helena Rubinstein, marques leaders du marché de l’époque, s’installent dans les salles de bains.
Le mensuel américain Good Housekeeping ne dit rien d’autre : “Nous allons devenir féminines en insistant sur une taille fine, des hanches plus marquées, des talons plus hauts”.
ÉMERGENCE DE LA PRESSE FÉMININE FRANÇAISE
Lancé en 1945, le magazine Elle atteint rapidement plus d’un demi-million d’exemplaires et devient prescripteur de tendances sous la rédaction en chef de Françoise Giroud. Il se partage entre haute couture et rubriques proposant recettes ou patrons. En 1954, Marie-Claire, qui avait cessé de paraître en 1942, réapparaît sous la forme d’un mensuel (il était hebdomadaire depuis sa fondation en 1937).
PERSONNALITÉS ICONIQUES DE LA DÉCENNIE
- Grace Kelly
- Audrey Hepburn
- Marylin Monroe
- Lauren Bacall
- Elvis Presley
- James Dean
LA COUPE :
LE NEW LOOK, TAILLE MARQUÉE
Pour comprendre la silhouette des fifties, il faut remonter à la fin des années 1940, lorsqu’un tout nouveau couturier, Christian Dior, initie le « New Look » (surnom attribué par Carmel Snow du Harper’s Bazaar), lors de son défilé mythique du 12 février 1947. L’audience est médusée. Volume corolle sur les hanches ou crayon sous les genoux (la coupe remontera au-dessus en 1953), taille étranglée, poitrine saillante, c’est un cataclysme, comme en témoigne Bettina Ballard, rédactrice en chef mode du magazine Vogue :
“Nous avons été les témoins d’une révolution de la mode en même temps que d’une révolution dans la façon de montrer la mode.”
Jamais la silhouette féminine n’avait été aussi exacerbée :
“Je voulais que mes robes fussent “construites”, moulées sur les courbes du corps féminin, dont elle styliseraient le galbe. J’accusais la taille, le volume des hanches, je mis en valeur la poitrine.” C’est ainsi résumé par le maître Dior le ton qui sera donné au style des années 1950. Une femme embrassant sa féminité à bras-le-corps, sans complexe.
Photo : Le tailleur “Bar”, emblème de la collection New Look de Christian Dior, 1947. Shakko, CC 3.0
Les femmes qui, après la guerre, maîtrisent à merveille la machine à coudre, veulent toutes copier ce nouveau style qui séduit jusqu’à Hollywood. C’est “le retour à un idéal de bonheur civilisé” dira Christian Dior, qui devient “le Français le plus connu au monde” (journal l’Aurore) et la maison de couture française qui exporte le plus.
LE VÊTEMENT :
LE BIKINI
1. La pin-up Gene Tierney en maillot de bain deux-pièces taille haute, 1945 / 2. Le premier bikini de l’histoire présenté en 1946 à la piscine Molitor par Micheline Bernardini. Keystone
Inventé en France en 1946 et aussitôt suivi d’un scandale international qui le voit interdit sur de nombreuses plages (en France, en Belgique, en Espagne ou en Italie), le bikini se popularise à l’orée des Fifties lorsque Brigitte Bardot l’arbore face aux photographes sur la plage du Carlton durant le festival de Cannes.
Si le maillot de bain deux-pièces existait déjà, personne n’avait encore osé, avant Louis Réard, exposer… le nombril ! Un “petit itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini” qui tient dans une boîte d’allumettes !
Le corps féminin entame sa longue libération mais aussi son asservissement aux canons de la beauté ; la première Poupée Barbie est commercialisée en 1959, les régimes Weight Watchers en 1963.
1946 : LE BIKINI
L’après-guerre voit la création du bikini qui mettra presque deux décennies à s’imposer sur les plages. So subversif!
LES MATIÈRES :
POLYESTER, POLYAMIDE, ACRYLIQUE
La forte croissance économique des Trente Glorieuses explore, innove, pour une société de consommation en plein boom. La mode n’est pas en reste et de nouveaux matériaux révolutionnent les délais de fabrication et les coûts. Acrylique, polyamide, polyester préfigurent le prêt-à-porter qui émerge progressivement dans les maisons de couture.
Les vêtements ne sont pas seulement plus abordables, ils sont aussi plus chauds, plus solides, plus légers, plus faciles à nettoyer et à repasser.
LES ACCESSOIRES :
CHAPEAUX ET GANTS
Une « dame » des années 1950 se couvre avec élégance. Large chapeau ou mini (le bibi), pas d’importance. Les cheveux sont courts ou ramenés en chignon et les mains s’habillent de longs gants qui s’assortissent aux chaussures ou au sac.
LINGERIE ET BAS EN NYLON
1. Patti Page en soutien-gorge pointu, le “Bullet Bra” en 1955 / 2. Usine de fabrication de bas en nylon en 1954, Erik Liljeroth pour le Musée nordique CC 4.0
C’est la décennie de l’opulence retrouvée, de la lingerie, des bas couture et des jarretelles qui enceignent la cuisse. Gaine-culotte, guêpière et serre-taille permettent d’entrer dans la silhouette sablier imposée par Dior. Les soutien-gorges sont pointus pour dessiner une poitrine plus imposante.
Bye bye les frustrations de la guerre, durant laquelle les femmes dessinaient un trait sur l’arrière du mollet pour imiter les bas en nylon, matière en pénurie car alors utilisée pour confectionner parachutes, tentes ou pneus. Au milieu des années 1950 apparaissent les bas sans couture fabriqués sur un métier circulaire.
LE SAC :
LE 2.55 DE CHANEL
Lancé en février 1955 (qui lui inspire son nom), le sac 2.55 de Chanel devient aussitôt culte. Les femmes des années 1950 ne résistent pas à son cuir matelassé diablement élégant suspendu à une délicate chaîne dorée. Il reste aujourd’hui un it-bag de la maison que Karl Lagerfed n’a de cesse de réinterpréter en denim, en tweed, en sequins…
DES FIFTIES AUX SIXTIES
Monsieur Dior décède fin 1957 et c’est son assistant, le tout jeune Yves Saint-Laurent qui reprend la direction artistique de la prestigieuse Maison. Il s’émancipe des lignes galbantes de son maître en présentant, en janvier 1958, sa ligne « Trapèze ». La coupe part des épaules et efface la taille.
Ce sont les prémices du style emblématique des Années 1960…