De la garçonne à la coupe pixie :
100 ans de cheveux courts
La coupe « garçonne » naît dans les folles années 1920, emmenée par l’androgyne Mademoiselle Chanel. Subversion, émancipation, de l’après-guerre aux sixties pixie, retour sur 100 ans de coupe courte.
LES GARÇONNES ICONIQUES DES ANNÉES FOLLES
1. 1925, Greta Garbo sur le tournage de “La Rue sans joie” / 2. 1928, le carré très court de Louise Brooks, symbole des 1920’s
LES ICÔNES DE LA COUPE PIXIE POST-FIFTIES
1. 1954, Audrey Hepburn lance la coupe courte pixie au tournant des années 1960. Photo : Hans Gerber (CC 4.0) / 2. Françoise Sagan et son boyish ébouriffé en 1960. Photo : famille de F. Sagan (CC 4.0)
LA GARÇONNE DES ANNÉES FOLLES (1920-1929)
La Première Guerre mondiale vient de s’achever. Les hommes partis au front, les femmes ont goûté à l’émancipation. Désormais, beaucoup d’entre elles travaillent et aspirent à plus de simplicité… et à plus de modernité aussi.
À Paris, Antoine Cierplikowski, surnommé « Monsieur Antoine », invente une coupe « garçonne », inspirée du roman polémique de Victor Margueritte, « La Garçonne » (1922) narrant les aventures hétéro et bisexuelles d’une femme trompée, Monique. S’il fait scandale, il exacerbe aussi une nouvelle féminité, libérée des codes ultrasexués du début du siècle. La coupe courte pour femmes vient de naître.
« Artistes, aristocrates, elles fument, dansent, jouissent de la vie, ces originales branchées qui s’attirent les foudres des « dames » et de l’église. »
Les femmes d’avant-garde se l’approprient aussitôt ; artistes, aristocrates, elles fument, dansent, jouissent de la vie, ces originales branchées qui s’attirent les foudres des « dames » et de l’église. Mais les hommes n’y sont pas insensibles, tel Blaise Cendrars qui consacrera, en 1925, les nuques rasées des femmes « huitième merveille du monde ».
À ses débuts, la coupe garçonne se porte très court sur la nuque, qui est souvent coupée à la tondeuse et plus longue sur la tête. La raie est largement décentrée et une grande mèche, qui cache le front, est vaguée aux fers Marcel. Pour la tenue et la brillance, on applique de la brillantine ou un enduit de Bandoline.
Les accessoires pour cheveux sont très populaires. Ils ornent les chevelures à la nuit tombée pour une allure plus sophistiquée ; peigne, aigrette, barrette, bandeaux ou diadèmes s’accrochent à toutes les longueurs tandis que la tendance du chapeau s’essouffle progressivement (on sort alors « en cheveux »).
La garçonne ne se contente pas de sa coupe masculine. Elle emprunte volontiers ses tenues au vestiaire des hommes, comme le chante Georgel en 1923 (La Garçonne) :
Les cheveux bien coupés au rasoir,
Une gorge plate ;
Comme corsage elle porte un veston,
Un chapeau feutre en forme de pomme,
La jupe colle comme un pantalon,
Elle a tout de l’homme.
En 1924, Dréan chante « Elle s’était fait couper les cheveux » et Abel Hermant écrit, en 1927, « Camille aux cheveux courts ». La révolution culturelle de la garçonne est en marche, et une femme va définitivement l’ancrer dans la société.
COCO CHANEL, LA BOYISH
1928, Gabrielle Chanel en marinière et coupe garçonne
« En 1925, on estime qu’une femme sur trois porte alors les cheveux courts. »
Si la garçonne reste l’apanage des filles audacieuses, tout va changer avec l’ascension de Chanel. Née en 1883, elle crée sa marque en 1913 et devient la plus douée modiste de sa génération. Son style ? Le masculin-féminin, notamment initié par la marinière autour de 1916, interprétation du vêtement des marins, qui se poursuit avec sa célébrissime veste en tweed, elle aussi influencée par les tenues masculines, celles du duc de Westminster, son amant, dit-on.
Toutes les Parisiennes rêvent de ressembler à Coco, sa silhouette filiforme, ses tenues masculine coiffées d’une coupe courte, en rupture avec la féminité de l’époque. Le couturier Paul Poiret l’accusera même de transformer les femmes en « petites télégraphistes sous-alimentées ».
En 1925, on estime qu’une femme sur trois porte alors les cheveux courts.
HISTOIRE DE COCO CHANEL
Pionnière du sulfureux style garçonne, elle a intronisé la marinière, le tailleur en tweed et l’indémodable petite robe noire. Qui est elle-elle ? Et comment est-elle devenue un mythe ?
Mais pas question de ressembler à un homme. C’est à cette époque que l’industrie cosmétique connaît un essor formidable, avec la production du tube de rouge à lèvres en 1927. Les cheveux sont courts mais les rouges écarlates et les yeux fardés d’un halo de khôl profond.
Années 1920, la garçonne et sa féminité assumée, alors que les corps se dévoilent.
Le krach boursier de 1929 marque la fin des Années Folles et les cheveux gagnent en longueur. Le carré devient alors la coiffure que les filles s’arrachent. Mais la garçonne n’a pas encore dit son dernier mot.
La fabuleuse décennie des sixties et ses expérimentations audacieuses voient renaître la mode de la coupe garçonne, qu’on appelle désormais « pixie ».
LE RETOUR DU BOYISH SIXTIES
Audrey Hepburn en 1954. Photo : Hans Gerber (CC 4.0)
Au tournant des années 1960, la coupe courte féminine revient à la pointe de la tendance lorsque Audrey Hepburn l’affiche dans le film mythique “Vacances romaines” en 1953, dirigé par William Wyler, pour lequel l’actrice se verra récompensée d’un Oscar.
1. et 2. 1953, Audrey Hepburn et Gregory Peck dans « Vacances romaines » de William Wyler
Quelques années plus tard, la coupe « pixie » raccourcit encore et se désembourgeoise ; Jean Seberg dès 1958 dans « Bonjour Tristesse » puis « À bout de souffle » en 1960 ; Twiggy, première supermodel de l’histoire qui lui doit sa carrière fulgurante dès le milieu des années 1960 ; Mia Farrow à l’affiche de « Rosemary’s Baby » en 1968.
1. Mia Farrow en 1969, à l’affiche de “John and Mary” / 2. Jean Seberg en 1972, icône de la coupe courte sixties, plus moderne que jamais dans sa marinière sexy. Photo : Harriscn.jcnes (CC 4.0)
LES ANNÉES 1960
La femme s’émancipe et son corps adopte une nouvelle silhouette. C’est la décennie de l’iconique mini-jupe, de Pierre Cardin, de Courrèges ou d’Yves Saint Laurent
DES SIXTIES AUX EIGHTIES PEROXYDÉES
Jupes courtes et cheveux courts : les sixties inventent une nouvelle silhouette féminine dans le mood de l’émancipation féminine. Mais, à l’aube des seventies, la coupe courte est abandonnée au profit des cheveux longs, wild, baba, pour les hommes comme pour les femmes.
Il faudra attendre le retour des années 1980 acidulées pour que la garçonne réapparaisse, rock et décolorée.
1. 1986, Annie Lennox, au micro de Eurythmics, incarne la tendance courte des 80’s, ébouriffée et peroxydée. Photo : Helge Øverås (CC 1.2) / 2. Madonna en 1987 lors du Who’s That Girl Tour. Photo : Olavtenbroek (CC 3.0)
LES ANNÉES 1980
Lycra fluo, épaulettes XXL, imprimés débridés, sportswear, chic, fric et frime : les eighties bousculent les codes et inventent une esthétique novatrice.
LA COUPE COURTE AUJOURD’HUI
On l’accuse d’être un « repoussoir à mecs » mais rien n’insuffle plus de style et de personnalité qu’une coupe courte aux femmes d’aujourd’hui. Émancipées d’une ultra-féminité capillaire, elles s’autorisent des tenues plus audacieuses. Bonus : la coupe courte reste le meilleur atout des femmes matures et des filles aux cheveux plats et fins.
La garçonne contemporaine puise ses inspirations dans toutes les décennies, et s’autorise une réinvention de son look à l’infini ; un jour rock, le lendemain années folles, le suivant pixie. Un peu de gel et le tour est joué.
Longs ou courts ? Ces stars ont tranché. Quel charisme !
Avant : Halle Berry discrète derrière ses longues ondulations en 2004. Photo : Alexander Horn (CC 2.5)
Après : inspiration eighties-sage et powerful pour la superstar Halle Berry. Photo : Gage Skidmore (CC 3.0)
Avant : En 2010, Michelle Williams, chevelure de princesse et sourire coincé, au Berlin International Film Festival. Photo : Siebbi (CC 3.0)
Après : Inspiration sixties-pixie deux ans plus tard, on adore ! Photo : MingleMediaTVNetwork (CC 2.0)
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Secs, bouclés, fins, gras : à chaque problème capillaire, sa solution. Notre gros dossier
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