So Slim !
Décryptage d’un phénomène mode
/ Basic aujourd’hui, punk et anarchiste hier, le very-must-have de toutes les penderies a traversé les cultures sans prendre un pli. Puisant dans ses racines bad, il aime délicatement cradiser un look-pop lorsqu’il se troue, se déchire, se délave. Au plus près de son ancêtre subversif, le bluejean des cowboys, des miniers et des ouvriers. Un caméléon tout aussi indispensable à la working girl sexy-élégante, sur ses talons de 12. So basic…
UNE TOILE DE LIN TRÈS FONCTIONNELLE
Inventé à Gênes en Italie, le « jeans » est une déformation américaine de « Gênes ». Cette toile de coton et de lin teinte en bleu indigo (moins salissant) traverse l’Atlantique au milieu du 19ème siècle lorsque deux tailleurs américains du Nevada le renforcent avec des rivets de cuivre et le commercialisent à grande échelle. Levi Strauss et Jacob Davis font fortune. Bûcherons, miniers, cowboys s’arrachent leurs tenues de travail increvables, protégées par un brevet dès 1873.
Le blue jean, symbole du Old West : 1. Un chercheur d’or dans les montagnes de Californie en 1883 / 2. John Wayne et Grant Withers en 1943
LES BAD BOYS DES FIFTIES
Dans les Fifties, les néo-bad boys, banane luisante de gel sur la tête et rock’n roll révolutionnaire dans les juke-box, s’entichent de ce pantalon si peu politiquement correct. Le blue jean se rapproche des cuisses et sort de son rôle purement fonctionnel pour devenir accessoire de mode. James Dean en fait un mythe, moulé dans son denim et sa fureur de vivre, jamais le «pant» des cowboys n’avait été aussi sexy.
So subversif : dans les fifties, le jeans n’est plus une tenue de travail mais un statement mode, ici sur Elvis Presley en look all-denim sur le plateau de Jailhouse Rock, en 1957
En Europe, l’American Way of Life fascine ; sa nourriture rapide, ses chewing gums, ses films à gros budget… et son blue jean. En France, les sulfureux « blousons noirs » s’en emparent et le jean devient interdit dans nombre de collèges et de lycées.
Anti-conformiste encore au tournant des années 1980, le slim devient l’un des symboles identifiants forts de milieux rock variés ; metal, hard, gothic, punk. Skinny à l’extrême.
Le slim des années punk : 1. Moulé sur les cuisses des New York Dolls en 1973, Photo Avro CC 3.0 / 2. Pinky grrr avec perfecto et gros godillots
DU SLIM PUNK AU BASIC POP
Au début des années 00, le slim entame sa lente extirpation du cercle fermé des rockeux contestataires pour conquérir les fashionistas, jusqu’à devenir le basic pop qu’on connaît (merci Kate Moss) conservant dans son ADN son passé contestataire.
Le slim noir, l’uniforme-signature de la top anglais Kate Moss
Des groupes néo-punk émergent, à l’image des White Stripes de Detroit qui sortent en 2002 « White Blood Cells ». L’esthétique crado-filliforme revient à l’ordre du jour tandis que l’électro jusque là happy se teinte de riffs de gratte disto. So bad.
En Suède, Örjan Andersson et Adam Friberg créent «Cheap Monday» et commercialisent les premiers pop-slims en 2004. 5’000 pièces vendues, 200’000 deux ans plus tard. Le slim se revendique volontiers anarchiste, sous les traits d’une tête de mort chez Cheap Monday et d’icônes punk chez April 77 (Franz Ferdinand, Iggy Pop).
La bulle dark-fashion explose lorsque les géants du jeans s’emparent de la coupe slim. Diesel, Levi’s. Puis les méga-géants de la confection internationale, H&M en tête. Le slim à moins de 20€ devient un must-have.
So incontournable, il fait des petits et se décline en jegging, skinny, combinaison… Il fait des infidélités au sacro-saint jean denim et ose des matières techniques, audacieuses, irisées, imprimées… et gagne en confort.