Marc Jacobs
Du grunge au luxe Vuitton : itinéraire d’un créateur surdoué
Si je vous dis Marc Jacobs, vous me répondrez sans doute : fêtes, sexe, instagram, Louis Vuitton, grunge and rock’n roll. C’est vrai que l’enfant terrible de la mode aime l’extravagance et c’est vrai aussi qu’il est adulé pour sa mode pop, arty et chic. Après être passé par la direction artistique de Louis Vuitton, il se recentre à 50 ans sur son label éponyme et nous en met plein les yeux, évidemment.
L’événement est révélateur de la notoriété du créateur. En 2014, le Bon Marché Rive Gauche fêtait en grande pompe l’arrivée du shop Marc Jacobs, jetant des paillettes dans les yeux et les bags des Parisiens et des touristes du monde entier. Car le designer new-yorkais et sa trentaine d’années de carrière, jusque là DA de Louis Vuitton, compte désormais parmi les designers les plus recherchés de la planète. Pour en arriver là, le parcours fut chaotique et terriblement audacieux. Mais qui êtes-vous, Marc Jacobs ?
LE SCANDALE
Nous sommes en 1992. Le jeune surdoué, fraîchement diplômé de la Parsons School of Design, devient directeur artistique de Perry Ellis à 29 ans.
Le temps d’une collection, il catapulte les codes chics bourgeois du label américain pour un défilé grungissime qui va choquer le microcosme fashion. Tyra Banks est en Birkenstock et Carla Bruni en doc Martens. Mais c’est sa robe (ci-dessous), qui fera scandale. Il raconte, sur son compte Instagram :
« J’ai habillé Carla Bruni avec cette robe dans une version plus longue. Et j’ai immédiatement compris que ça n’allait pas. Je regarde Carlyne Cerf de Dudzeele (journaliste et rédactrice mode) et je lui dis : cette robe devrait être beaucoup plus courte. » Il s’empare aussitôt d’une paire de ciseaux et coupe grossièrement la robe, « si courte que c’est presque devenu un top ».
Collection Perry Ellis 1993 par Marc Jacobs
La même robe rééditée par Marc Jacobs en 2018, Collection Redux Grunge
Et puis il raconte à la presse comment il a « trouvé une chemise en flanelle à deux dollars dans le quartier punk de St Mark’s Place » avant de l’envoyer en Italie pour la reproduire « en soie à carreaux à 300 dollars ». Les spécialistes adorent sa subversion, les clientes et les décideurs détestent son dédain.
« Si quelque chose est hideux, ça m’intéresse. C’est un peu comme Andy Warhol. Il était intéressé par tout et absorbait ce qu’il voyait comme une éponge. »
Harper’s Bazaar, 2016
Le designer est viré et pourtant, c’est bien cette collection qu’il rééditera en 2018 sous son propre label cette fois, semblant clamer haut et fort que, non, il ne s’est pas trompé. Il est tout simplement… un visionnaire.
UN TALENT BRUT
L’anecdote représente bien qui est l’homme et comment il s’est imposé en trublion magnifique de la mode. Une assurance qui peut irriter. Un talent qui met tout le monde d’accord.
Né à New York, il fait sensation à la Parson’s School of Design en présentant, à la fin de son cycle de quatre ans, trois chandails oversize flanqués de smileys… tricotés à la main par sa grand-mère. Ils lui vaudront le Design Student of the Year.
Le business man Robert Duffy, ébahi est là : « C’était du grunge avant le grunge. J’avais vu des gamins du Haight (quartier hippie de San Francisco) porter ça, mais je n’avais vu personne en créer ». Il finance le jeune styliste qui lance sa marque Marc Jacobs en 1984. Le monde de la mode le remarque et sa carrière s’envole.
DE VUITTON À MARC JACOBS
Après son coup d’éclat remarqué chez Perry Ellis, Louis Vuitton ose le culot de le nommer à la tête des collections femmes en 1997. Et bien lui en prit. Le jeune designer développe le prêt à porter de l’honorable malletier et le chiffre d’affaires de la maison double tous les 5 ans. C’est tout simplement l’une des associations les plus lucratives de l’histoire de la mode.
« Chez Vuitton, j’ai enfreint les règles. (…) Je venais de me faire virer pour ma collection grunge chez Perry Ellis et je me suis dit, wahou, c’est exactement ça que nous devrions faire. »
Interview Magazine, 2008
C’est lui qui instaure la tradition des collaborations artistiques. Stephen Sprouse graffe les élégants sacs à monogrammes. Takashi Murakami les inonde de couleurs.
Jacobs importe sa pop culture US, mâtinée d’un intellect arty. C’est le luxe grunge influencé par le cinéma, Miuccia Prada ou Rei Kawakubo. Chaque défilé devient un spectacle au moins aussi clinquant que Chanel, comme cette locomotive de l’Orient-Express qui entre dans la Cour carrée du Louvre.
Marc Jacobs en 2005, avec Winona Ryder
Marc Jacobs aujourd’hui
Tatouage Bob l’Éponge sur son bras gauche, le designer met en scène sa mode. Et lui-même. L’ancien garçon replet, lunettes rectangulaires et couple floue s’est métamorphosé en éphèbe aux muscles saillants qu’il expose, en maillot de bain, avec son boyfriend de l’époque, ancienne star du porno et son chien Neville, presque aussi célèbre que lui. Sur Instagram, il poste une vie de paillettes, nocturne et embrumée. Quitte à se brûler les ailes. En 2007, il part en « rehab » et s’apaise.
Marc Jacobs Resort 2020
En 2013, Marc Jacobs annonce son départ et son envie de se recentrer sur sa marque éponyme. Avec sa maison Marc Jacobs, propriété LVMH, le designer trouve un écrin à la hauteur de son exubérante créativité. Elle devient un symbole d’un mode urbaine irrévérencieuse qui s’inspire des cultures du monde entier.
« Je dispose d’une totale liberté pour explorer ma créativité et collaborer avec ceux qui sont autour de moi. Cela me permet de constamment me remettre en question et de me réinventer en permanence. »
Marc Jacobs sur LVMH
Aujourd’hui, le label Marc Jacobs inclut prêt à porter, accessoires, parfums et maquillage, dont une ligne unisexe Boy Tested, Girl Approuved. 280 boutiques dans 60 pays du monde, 1300 salariés. L’audace a payé. L’ancien magasinier du concept-store Charivari, dans l’Upper West Side, a mis le monde à ses pieds.
DATES-CLÉS
1963
Naissance à New York City le 9 avril
1981
Diplôme de la High School of Art and Design de New York
1984
Design Student of The Year de la Parson’s School of Design
1984
Lancement de la première collection de sa marque éponyme, Marc Jacobs
1985
Plus jeune designer récompensé par le prestigieux Perry Ellis Award for New Fashion Talent (nouveaux talents de la mode) du CFDA (Council of Fashion Designers of America)
1988
Directeur artistique de Perry Ellis. Il sera licencié après sa collection grunge sulfureuse en 1992
1997
Direction artistique de Louis Vuitton jusqu’en 2013
2013
Développe la marque Marc Jacobs
Site officiel : marcjacobs.com